L’antisémitisme partout aujourd’hui en France

Un livre d’Alain Badiou et Eric Hazan – Edition La Fabrique 2011
Résumé par André Curtillat, le 12 février 2011

2002, une année agitée

 Après le 11 Septembre, invasion de l’Afghanistan, préparation de l’invasion de l’Irak et en Palestine la seconde Intifada . Toute la Cisjordanie est occupée et l’opération Rempart balaye ce qui reste d’autonomie accordée à Oslo. Le camp de Jenine est victime d’un assaut meurtrier . Et en France Cukierman, Président du Crif, se réjouit du score obtenu par Le Pen (père ) comme « un avertissement aux musulmans pour qu’ils se tiennent tranquilles ».
C’est dans ce contexte que se développe une campagne dénonçant une « vague antisémite » en France . Il s’agit, à partir de faits réels ou parfois inventés, d’allumer un contre feu car l’opinion publique est choquée par la brutalité et les exactions de l’armée israélienne lors de l’opération Rempart .
En 2004 le Rapport Ruffin préconise même une loi qui sanctionnerait toute critique de l’Etat d’Israël.

Qu’en est-il de l’antisémitisme en France ?

L’antisémitisme des néo-nazis, des négationnistes ou néo-pétainistes ne représentent pas grand-chose alors , même s’il convenait de ne pas l’ignorer et le combattre. L’antisémitisme d’avant-guerre était bien plus dominant. L’antisémitisme d’alors s’inscrivait alors dans une vision du monde raciale sans complexe. L’étranger (donc à l’époque le Juif ) est alors désigné comme un métèque d’où viennent bien des maux et qu’il faut donc considérer comme des citoyens de seconde zone . L’antisémitisme des années 30 était une composante du sentiment populaire qui stigmatise toujours les derniers arrivants . Au 19ième siècle les Auvergnats, les Bretons ou les Savoyards. Après la guerre de 14 -18 les Polonais et les Juifs de l’Est, les Espagnols. Puis après la guerre les Portugais et les Algériens et les Marocains (avec une composante raciste supplémentaire compte tenu des guerres coloniales .) Aujourd’hui les Africains du Sahel venant de nos anciennes colonies.

Le sentiment qu’éprouve envers les Juifs une grande partie de la jeunesse française noire et arabe n’a rien à voir avec l’antisémitisme historique évoqué plus haut. L’hostilité de ces jeunes est liée à ce qui se passe en Palestine. Israël se définit comme un Etat Juif. Il se proclame de plus comme l’Etat des Juifs du monde entier. Quant à l’ organisation qui se prétend être la représentante quasi exclusive des Juifs de France (Le Crif ) , ces mêmes jeunes savent qu’elle défend becs et ongles la politique israélienne d’occupation et de colonisation de la Palestine. Les opposants Juifs en France à cette politique étant minoritaires et muselés, aucune dissociation n’est possible aux yeux de cette jeunesse dès que le mot Juif est prononcé. Et pour peu qu’ils sachent qu’en 1870 en Algérie la loi Crémieux donnait la nationalité française aux Juifs algériens mais qu’elle leur était refusée ..

Une étrange réthorique.

Le discours tenu par ceux qui soutiennent en toutes circonstances la politique israélienne est le suivant : « L’anti-impérialisme aujourd’hui c’est l’anti américanisme. L’anti-américanisme c’est évidemment l’anti-capitalisme. Et l’anti-capitalisme via le phantasme du financier juif c’est l’antisémitisme . Donc l’anti-impérialisme c’est l’antisémitisme. Comme ceux qui soutiennent les Palestiniens se réclament souvent de l’anti-impérialisme leur antisémitisme ne fait plus aucun doute. »

Autre discours prenant pour thème les médias . « La critique des médias porte sur les journalistes Or il y a beaucoup de Juifs dans les médias. Donc ceux qui critiquent les médias sont antisémites » D’où les attaques violentes par exemple contre Serge Halimi (les nouveaux chiens de garde ) ou Pierre Bourdieu ou Jacques Bouveresse.

Les nouveaux inquisiteurs

Ceux qui ont établi leur fonds de commerce sur la traque de l’antisémitisme viennent massivement de l’extrême gauche qu’ils ont reniée. Glucksman fut maoïste tout comme Milner. Taguieff était situationniste.Birnbaum du Monde était à Lutte ouvrière. Adler fut longtemps formateur au Parti Communiste . Ces renégats du gauchisme ou de la gauche savent qu’en France depuis le 18ième siècle un intellectuel de droite a peu de chances de succès. En changeant de camp ils en ont conservé tous les travers. Et ils combattent avec aplomb tout ce qu’ils avaient défendu la veille. Ils construisent donc sans état d’âme leur nouvelle scène : antisémitisme, islamisme, terrorisme.

Les actions en justice

Les principaux procès pour incitation à la haine raciale ont été intentés par W Goldnadel , président d’Avocats sans frontières (avocat notamment d’un trafiquant d’armes russe réfugié en Israël ). Dans le cadre de la campagne BDS c’est S.Ghozlan, membre du comité directeur du Crif et très lié à l’extrême -droite et aux colons israéliens qui est aux avant- postes . Il a fondé le bureau national de vigilance contre l’antisémitisme aidé par la chambre de commerce France-Israël, la Licra … Le ministère public suit à chaque fois alors qu’il n’y est pas obligé et le Parquet suit donc sans sourciller la Chancellerie. C’est la trop fameuse circulaire Alliot Marie *

Forces et ruses des inquisiteurs

Il n’y a pas en France à proprement parler comme aux Etats Unis un lobby Juif (L’AIPAC). Maisles voix médiatiques des « vigilants »  sont nombreuses et puissantes. Finkielkraut (le nouvel académicien ), Bernard Henri Lévy qui a une part du capital de Libé, fait partie du conseil de surveillance du Monde ou écrit dans Le Point. Birnbaum déjà cité dans Le Monde ou Adler au Figaro,Lanzman aux Temps Modernes. On se rappelle comment ce dernier avait lancé sa cabale contre Eyal Sivan, le réalisateur juif israélien de Route 181 qui a été obligé d’aller travailler ailleurs. L’écrivain juif israélien avec son livre « La réaction philosémite » a été lui complètement boycotté. Ce  « Juif de négation ou porteur de la haine de soi » ne pouvait être considéré que comme paria par les « Juifs d’affirmation  ».

Pourquoi en France ?

Poursuivrait-on plus particulièrement en France l’antisémitisme compte tenu de la culpabilité latente des Français par rapport à notre traitement des Juifs pendant la guerre ? C’est oublier qu’en France on met sur le dos du peuple les désastres portés souvent par les élites (défaitisme en 40 dans le haut commandement parce qu’Hitler de toute façon c’était mieux que le Front Populaire, capitulation devant les Prussiens en 1871 plutôt que la Commune .) Les persécutions antisémites ont été l’œuvre de l’appareil d’Etat pétainiste avec des hauts magistrats et de grands responsables de la police. Il n’y eut pas en France de « pogroms «  populistes .

Le mot antisémitisme est donc un mot violent et galvaudé. Il faut donc s’interroger sur ceux qui le portent, au nom de quoi ils les portent. Quel est leur passé ? quelles sont leurs raisons politiques ? Quels sont leurs avantages qu’ils tirent de leurs mensonges ? Quels sont leurs liens et leurs complicités ?

Les auteurs

Eric Hazan : Mère palestinienne apatride, père Juif Egyptien. Très tôt engagé du côté FLN pendant la guerre d’Algérie puis comme chirurgien au Liban auprès des combattants Palestiniens. Membre du Tribunal Russel, fondateur d’une maison d’édition, La Fabrique. Pour celles et ceux qui s’intéressent à la question d’un état ou de deux états il faut lire de Eric Hazan et Eyal Sivan( le cinéaste de la route 181) «  Un Etat commun  entre le Jourdain et la mer ».

Alain Badiou : Normalien, philosophe, dramaturge, romancier, c’est une figure intellectuelle reconnue bien au delà de notre pays. C’est aussi un personnage très controversé en raison de ses engagements maoïstes car contrairement aux nombreux intellectuels qui furent sur ce chemin il continue d’assumer ses choix défendant la thèse que l’idée du communisme malgré et à causes de ses errements ne doit pas être abandonnée. Son livre « De quoi Sarkozy est il le nom ? » fut un succès de librairie. Son petit opus « Sarkozy Pire que prévu, les autres Prévoir le pire » Circonstances 7 Lignes fut très prémonitoire hélas !

Note : *(qui n’a pas été abrogée par C Taubira et sur laquelle s’appuient désormais des Conseils municipaux-dont malheureusement peut-être Paris- pour interdire des manifestations BDS ). 

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